A voir, à faire

Vrel, prédécesseur de Vermeer

Vrel, prédécesseur de Vermeer
Vrel, l’insaisissable.

Puisque les projecteurs sont unanimement braqués sur Vermeer, ne serait-ce pas le moment opportun pour faire un pas de côté et porter son regard sur un peintre plus discret, mais tout autant énigmatique et passionnant : Jacobus Vrel. Loin de la frénésie "vermeerienne" du moment, le Mauritshuis met en lumière ce peintre dans une petite, mais remarquable exposition, jusqu’au 29 mai prochain.

Femme à la fenêtre faisant signe à une fillette, Fondation Custodia.

Il y a longtemps eu confusion entre les œuvres de Jacobus Vrel et de Johannes Vermeer qui partagent à la fois les mêmes initiales J.V., et les mêmes représentations d’intérieurs domestiques tranquilles, souvent avec des femmes. C’est ainsi que les peintures de Vrel ont été pendant de nombreuses années injustement attribuées à Vermeer. Parfois même aussi à Pieter de Hooch, lorsque des vendeurs peu scrupuleux ajoutaient une signature apocryphe pour flouer l’acheteur...


Recherche scientifique internationale

De Jacob Vrel, on ne savait jusqu’à présent que peu de choses. Il n’aura été vraiment découvert qu’après que le brillant critique d’art français Théophile Thoré-Bürger (1807–1869) ait révélé que l’une des signatures de Vermeer était fausse et qu’il ait découvert le nom de Vrel en dessous. Remarquablement absent des archives des Pays-Bas mais aussi de Belgique, la vie de Vrel restait énigmatique. Pour percer ce mystère, un projet de recherche international a donc été récemment mené par trois musées associés : l’Alte Pinakothek - Bayerische Staatsgemäldesammlungen à Munich, la Fondation Custodia - Collection Frits Lugt à Paris et le Mauritshuis. Comme Vrel peignait sur des panneaux de bois, les musées ont commandé une recherche "dendrochronologique", analyse permettant de dater les panneaux grâce aux anneaux concentriques du bois, appelés aussi cernes de croissance. La découverte est de taille : les résultats ont en effet démontré que Vrel avait été actif en tant que peintre pendant de nombreuses années avant 1654. Avant les maîtres Vermeer de Delft et Pieter de Hooch. Le discret Jacobus Vrel maîtrisait ainsi déjà ce genre de représentation avant que le premier chef-d’œuvre de Vermeer ne quitte son atelier...


Une datation, mais beaucoup de questions
©FL

Dès lors, on peut se laisser aller à toutes les spéculations ! Aurait-t-il cotôyé Pieter de Hooch (1629–84), Esaias Boursse (1631–72) et le peintre belge Pieter Janssens Elinga (1623–82) dont les sujets et le style de l’œuvre sont si proches ? Se peut-il que Vermeer ait vu les œuvres de Vrel, s’en soit inspiré ? D’ailleurs, était-il un peintre reconnu de son époque ? On sait - et c’est la seule archive le concernant - que l’archiduc Léopold Wilhelm (1614-1662) possédait pas moins de trois œuvres de lui...

À l’heure actuelle, quarante œuvres sont attribuées à Jacobus Vrel. Près de la moitié d’entre elles, portent une signature ou un monogramme, représentant ensemble toutes les informations disponibles concernant l’identité de leur créateur. Leur orthographe varie de "Frel", "Frell", "Vrel" et "Wrel", à "Vrelle" et même "Vreelle". Dans l’exposition Vrel, précurseur de Vermeer, le Mauritshuis partage l’histoire de ce mystérieux peintre et met en lumière ces toiles aussi énigmatiques qu’émouvantes. Pour les apprécier pleinement, peut-être faudra-t-il momentanément laisser Vermeer dans l’ombre et éviter les comparaisons. Mais tout comme pour Vermeer, le caractère insaisissable de ce peintre, transperce l’âme.
Fabienne Laroque

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Jacobus Vrel, voorloper van Vermeer (précurseur de Vermeer)
Exposition du 16 février au 29 mai 2023
Mauritshuis